G.H.C. Bulletin 9 : Octobre 1989 Page 68
DEPUTES A LA CONSTITUANTE :
NADAL DE SAINTRAC
ET SES ENFANTS
épais qui entourait le sort de M. de SAINTRAC. Son épouse,
alors enceinte, qui est de la Martinique, de la famille de
M. FONTANNES aujourd'hui Archi Chancelier de l'Université
Impériale, écrivit à M. le Procureur Impérial (...) et lui
demanda les secours de son ministère."
(Le Procureur "se contente d'écrire aux commissaires
commandants les quartiers" et rend compte de l'affaire
"avec autant de laconisme que de froideur". M. LAVIELLE du
BERCEAU, membre de la Cour d'Appel et président du tribu-
nal spécial de l'arrondissement "qui paraissait avoir été
le théâtre de la catastrophe", chargé de faire l'informa-
tion, "agit avec assez de mollesse")
"Enfin je reçus une assez longue lettre accompagnée
d'un procès-verbal, d'où il résultait qu'un nègre qui
avait rencontré un habitant lui dit que, dans un bois
isolé près de la mer, il avait vu de la terre nouvellement
remuée, recouverte de branchages d'arbres." (M. DUBERCEAU
s'y rend avec plusieurs habitants, fait fouiller la terre
en l'absence de l'officier de santé) "et on découvrit à
une certaine profondeur un cadavre assez nouvellement
inhumé. Les assistants le reconnurent pour celui de M. de
SAINTRAC fils et aperçurent qu'il avait reçu un coup sur
la tête. On se hâta de réinhumer le corps."(L'officier de
santé arrivé peu après déclara que le coup observé par les
témoins avait pu occasionner la mort)
"L'Affaire"
(Le commissaire de justice, scandalisé par les irré-
gularités de la procédure et du procès-verbal en fait
reproche à M. DUBERCEAU qui répond que "tourmenté par la
fièvre" il ne peut rien faire de plus. Le Procureur Impé-
rial de la Pointe à Pitre et M. THIERCE un de ses substi-
tut, envoyés comme adjoints, mettent la même mauvaise
volonté et l'autorité militaire fit tout pour rendre nulle
la procédure.)
"J'ai connu depuis le motif qui avait déterminé à
rendre la procédure aussi molle et aussi peu satisfaisan-
te. M. du BERCEAU et le Procureur Impérial de la Pointe
annoncèrent franchement qu'ils compromettraient beaucoup
de personnes s'ils suivaient mes instructions. M. THIERCE
était d'avis contraire mais il céda au nombre."
(Ne pouvant faire un rapport "bien juridique", l'au-
teur de ces lignes reconstitue "historiquement" les faits)
"M. de SAINTRAC fils, cédant aux suggestions de son
épouse et aux exhortations réitérées de M. DUBUC ST OLIMPE
son oncle, si bien signalé par sa haine impuissante contre
le gouvernement français, si zélé missionnaire de la puis-
sance anglaise, s'était rallié à ceux qui l'appelaient à
grands cris dans la colonie. Il s'embarqua dans une piro-
gue avec quelques uns des partisans de ses opinions poli-
tiques, et se rendit à bord d'un bâtiment de guerre an-
glais qui croisait. Au retour, la pirogue fut jetée sur
des rochers; M. de SAINTRAC fut noyé. Des hommes qui se
croient fort instruits assurent qu'il fut retiré des flots
donnant encore quelques signes de vie, mais que les suites
de son transport faisant craindre à ses compagnons du
naufrage que leurs trames ne fussent découvertes, ils
agirent en profonds et énergiques conspirateurs, hâtèrent
ses derniers moments et prirent les mesures les mieux
calculées pour soustraire jusqu'au plus légères traces de
la continuation de son existence."
Conclusions
Il est difficile de croire après la lecture de ce
document que NADAL de SAINTRAC fils n'était pas un allié
des anglais et ne préparait pas en leur compagnie l'occu-
pation de la Guadeloupe.
Cette occupation fut réalisée le 5 février après la
capitulation du Capitaine-général ERNOUF.
Encore une question à résoudre : pourquoi le décès se
trouve-t-il inscrit sur les registres de Pointe-à-Pitre
neuf ans après les faits, le 25 mai 1818 ?
Enfin un de mes amis guadeloupéens m'a rapporté qu'à
Sainte-Anne il y eut longtemps une pierre tombale aujour-
d'hui disparue, sur laquelle étaient inscrits les mots
"SAINTRAC, traître à sa patrie". De son côté, M. Naine-
Lafages, après avoir lu le premier article sur NADAL de
SAINTRAC, nous a envoyé le témoignage suivant : " n sai-
tannais de ma connaissance m'a affirmé s'être rendu dans
les années 50 en compagnie du curé de la paroisse sur la
propriété de Gissac appartenant à mon père et qu'en bor-
dure de mer, sur quelques vieilles pierres enfouies sous
le sable, ils ont trouvé un marbre avec la mention : "Au
Marquis de Saintrac". J'ai connu cette tombe mais le
marbre n'y était plus. C'était un rectangle de pierre aux
coins arrondis, à l'ombre d'un raisinier noueux plusieurs
fois centenaire. Ces témoins du passé ont disparu depuis,
victimes des pilleurs de plage."
La branche Haïtienne
M. Peter J. Frisch, de Port-au-Prince, nous a commu-
niqué une généalogie haïtienne NADAL de SAINTRAC issue du
fils aîné de celui dont on vient de raconter la mort.
Louis Jean Baptiste Thérèse, né à Petit-Canal en 1805
mais déclaré à l'Etat civil trois ans après, avait épousé
à Petit-Bourg en 1830 Jeanne Aurore Malvina BOYNEST (voir
n° 5 page 37). Il en eut un fils, Pierre Marc Clément
Ludovic, dont la descendance nous est inconnue.
Le 8 février 1843, Pointe-à-Pitre va subir le plus
terrible tremblement de terre de son histoire, suivi d'un
effroyable incendie causé par les lampes à pétrole et les
réchauds de cuisine qui en se brisant mettent le feu aux
maisons en bois. Madame de SAINTRAC née BOYNEST se trouve
chez sa soeur rue des Abymes (aujourd'hui rue Frébault)
lorsque la catastrophe survient. Comme des centaines d'au-
tres personnes qui vont périr, elle ne peut rien faire.
Elle, sa soeur et les sept enfants que celle-ci a eu de
son mariage avec NADEAU DES ISLETS vont périr dans les
flammes. Neuf personnes de la même famille. C'est, je
crois, la famille la plus touchée.
Or son époux était depuis quelques années établi à
Port-au-Prince!
Nous citons M. Frisch :
Louis Jean Baptiste Thérèse NADAL de SAINTRAC, décédé
au Port-au-Prince (Haïti) entre 1852 et 1862, professeur
au Lycée National de Port-au-Prince, eut de son union avec
Marie Louise Constance BORNO, née au Port-au-Prince le 23
avril 1804 de Louis Martial et Marie Louise BAUDE, sept
enfants. Il semble n'avoir jamais épousé sa deuxième com-
pagne; toutefois à la naissance de chacun de ses enfants
naturels, il déclarait toujours s'en reconnaître le père.
Une loi promulguée par le Président Alexandre PéTION
accordait les mêmes droits aux enfants naturels qu'aux
enfants légitimes. En conséquence tout enfant né hors
mariage mais reconnu par le père avait automatiquement
droit à la succession du dit père.
La famille NADAL a laissé tomber le deuxième nom
vers la fin du XIX° siècle (à l'exception de la branche
issue de la descendance d'un des fils de Pierre Alexis
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Révision 26/08/2003