G.H.C. Bulletin 3 : Mars 1989 Page 21
FAMILLE DELATOUR JEAN
(Martinique, Marie Galante et Guadeloupe)
B. et Ph Rossignol
Remarquons tout d'abord que le nom de cette famille est
écrit de multiples façons : de la Tour Jean, Delatour
Jean, Jean Delatour, Latour Jean, Latour et La Tour. De
même pour les noms de branches on peut trouver de multi-
ples variantes.
L'origine n'en est pas connue bien qu'une tradition
familiale la dise originaire de Rouen. Malheureusement des
recherches effectuées dans les registres paroissiaux de
cette ville n'ont rien donné.
Par ailleurs cette tradition familiale qui en faisait
une famille noble "obligée d'abandonner la particule lors
de la Révolution" contredit tous les actes que nous avons
consultés où aucune mention d'un titre nobiliaire quelcon-
que n'est faite et où le nom de famille écrit Latour sans
particule apparait dès avant la Révolution.
Ce qui est certain c'est que Barthélemy s'est d'abord
établi à la Martinique où il épouse la fille d'un habitant
très notable, Christophe Renodot installé à la Martinique
depuis 1645 (1).
Ce Christophe Renodot ou Renaudeau ou Regnaudot est
désigné, avec François Rools de Loubières en mars 1660
pour représenter la Martinique dans la recherche de paix
avec les caraïbes, Il signera cette paix à la Guadeloupe
dans le logis de Houel (2). Il participa aussi en 1665 à
la fondation de l'hôpital St Jean Baptiste de la Martini-
que (3). Du Tertre note à propos de cet hôpital : "Un
honnête homme, nommé Renaudot, & une femme dévote, nommée
La Ferriere, en a eu fort longtemps un soin, dont les
habitans en estoient édifiez". En 1664 et 1666 il concourt
à mater des révoltes d'habitants et à cette occasion il
tue par accident "un brave gentilhomme nommé Hurault" (4).
D'après la requête qu'il rédige en 1724 (5), Barthélemy
de la Tour Jean servit à la Martinique pendant plus de 15
ans avant de partir pour Marie Galante en 1706, ce qui
situe son arrivée à la Martinique dans les années 1685 à
1690. Il fut pourvu par le général de Machault de la
commission de commandant pour le service du Roy à Marie
Galante le 5 décembre 1706 (6), commission confirmée par
Phelypeaux. Mention en est faite lorsqu'il est parrain à
Capesterre le 11 novembre 1709. Peut-être faisait-il par-
tie des secours envoyés à la Guadeloupe en 1703. En effet
cette année là, en mars, les Anglais occupent Marie Galan-
te puis le 23 débarquent à la Guadeloupe. Le 3 avril
arrivent des secours de la Martinique parmi lesquels se
trouve le sieur de Bois-Fermé, commandant du fort St
Pierre où était établie la famille de la Tour Jean, et qui
était gouverneur de Marie Galante, bien qu'il n'y soit
pratiquement jamais allé.
La première mention de cette famille dans les registres
de Marie Galante est du 3 avril 1709 à Capesterre, mais
ces registres ne commencent qu'en 1703 et il y a des
lacunes. Il n'y a aucune mention des naissances de Roland
ni d'Angélique qui sont très probablement nés à la Marti-
nique et non à Capesterre comme il est indiqué dans leurs
actes de décès.
Le 20 Avril 1716 il recoit la commission de juge royal
qui est confirmée les 6 Mai et 9 Novembre 1718 (7).
Le 30 décembre 1718 lors du baptême de son fils Jean
Baptiste il est bien dit Juge royal et enfin le 26 novem-
bre 1721 au mariage de sa fille il est dit conseiller du
Roy et juge royal.
Le R.P. Barbotin dans son ouvrage sur les communes et
les bourgs de Marie Galante (8) indique qu'en "1716 comme
il n'y avait pas de volontaires pour remplacer le juge
décédé quelques années plus tôt, le conseil supérieur (de
la Martinique) fit envoyer commission en blanc et demanda
de désigner aux fonctions de justice les habitants de
Marie Galante que l'on trouverait les plus dignes d'exer-
cer ces emplois. Ainsi fut fait : un habitant fut nommé
juge, il tenait audience à jours fixes à son domicile."
Pour notre part nous pensons que les liens qui devaient
avoir été établis à St Pierre avec de Bois-Fermé n'étaient
pas étrangers à cette nomination.
En 1723 il démissionne, probablement à la suite des
démélés qu'avaient eu les habitants de Marie Galante avec
les autorités envoyées de la Martinique; Mini Gaoulé avor-
té où les martiniquais jouent le rôle de gouverneur et
d'intendant mais sans avoir la clémence de la Régence,
sauf pour le principal acteur qui était allié à de nom-
breuses et importantes familles martiniquaises (9).
Il sera tellement desservi par les autorités de Marie
Galante et le gouverneur de la Martinique que lorsqu'il
demandera exemption pour 12 nègres cela lui sera refusé
par le ministre car "cet officier n'a jamais eu de provi-
sions de sa Majesté" (10). 16 années de service qu'il "a
quitté pour être accablé d'infirmités et rompu par les
fatigues extrèmes qu'il a souffert en ces îles" n'avaient
pas servi à grand chose!
La descendance fera beaucoup moins, pour ne pas dire pas
du tout, parler d'elle. Parmi les 15 enfants dont on
possède la trace, Il n'y eut que trois garçons et trois
filles qui se marièrent. L'aîné des garçons ira ou retour-
nera, à la Martinique au Prêcheur mais au moins une partie
de sa descendance reviendra à la Guadeloupe et à Marie
Galante. Le deuxième fils restera à Marie Galante où ses
descendants demeureront au moins jusqu'à la première moi-
tié du XIX ème siècle. Le troisième ira s'établir à la
Guadeloupe et le dernier à la Grenade.
Les filles pour leur part restèrent à Marie Galante et
s'allièrent à des familles notables. Seule, semble-t-il,
l'aînée des filles, Marie Anne eut une descendance.
Petits habitants peu fortunés et négociants, les Latour
ne semble pas avoir souffert particulièrement de la Révo-
lution et l'on ne trouve aucune mention de l'un des mem-
bres de cette famille ni parmi les révolutionnaires ni
parmi les royalistes ni même parmi les habitants compromis
avec les anglais lors de la nouvelle occupation de Marie
Galante.
Le seul souvenir qui reste de cette époque est l'évoca-
tion qu'en faisait notre trisaîeule à Dakar, devant ses
arrière petits enfants (11), en disant que la guillotine
avait fonctionné à Marie Galante. Bien sûr il ne s'agis-
sait pas de souvenirs personnels puisqu'elle était née en
1843 mais probablement des récits de sa grand mère mater-
nelle qui l'avait élevée.
NOTES
(1) J. Petitjean Roget et E. Bruneau-Latouche : Personnes
et Familles à la Martinique au XVII° siècle, Fort de
France 1983; tome II page 682.
(2) R.P. J. B. Du Tertre : Histoire générale des Antilles
habitées par les François, Edition des horizons caraïbes,
1973 tome I pages 564 à 570.
(3) Idem tome III pages 184 et 189 à 191.
(4) Idem tome III page 204 et tome IV page 83.
(5) A.N. Fonds Moreau de St Mery, F3 23 folio 409.
(6) A.N. C8 A 19 folio 36 verso.
(7) A.D. Martinique B2 pages 154, 191 et 192.
(8) Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe n°
9-10. 2 ème édition revue et mise à jour en 1976.
(9) A.N. F3 23 folio 396 et suivantes.
(10) Idem folio 411.
(11) Elle connut même le premier de ses arrière arrière
petits enfants et une photo fut prise en 1932 de ces 5
générations où n'apparaissent que des femmes sauf le nou-
veau né. Ce bébé figurera sur la photo suivante des 5
générations en 1959, toujours seul homme mais beaucoup
plus grand et fort.
ELEMENTS DE GENEALOGIE
N.B. Les chiffres romains numérotent les générations.
Les chiffres arabes suivent la numérotation
d'Aboville.
Les sigles généalogiques utilisés sont les signes
habituels. Rappelons seulement que /1785 signifie
avant 1785 et 1785/ après 1785; )( divorce.
Quand nous ne mentionnons pas d'île après une com-
mune, en particulier Capesterre, c'est qu'il s'agit
de Marie Galante.
I Barthélemy DELATOUR JEAN
Commandant puis juge royal à Marie Galante
o ca 1664 Région de Rouen ? (tradition familiale)
+ 21 8 1735 Capesterre, 70 ans
x ca 1688 St Pierre de la Martinique ? à Marie Anne
RENAUDOT, fille de Christophe et Marie GAFFAY ou
GAFFé
o ca 1672 (7 ans au recensement de 1680)
+ 20 12 1737 Capesterre
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